Les vols de familiarisation

Contrôleurs aériens et pilotes se « parlent » tous les jours mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils comprennent leurs contraintes mutuelles. Les forums pilotes/contrôleurs ou les vols de familiarisation offrent de réelles possibilités de dialoguer et de tenter de comprendre « l’autre » même si ces initiatives restent trop rares…

Les vols de familiarisation

Derrière cette appellation se cache un simple vol en cockpit. La différence avec le gamin qui veut voir le cockpit ou le pilote privé qui veut discuter avec l’équipage réside dans le caractère officiel de la démarche[1]. Le vol de familiarisation ou vol « technique » consistait souvent, pour nous, à effectuer avec un équipage une branche d’un vol long-courrier[2]. La nature des vols long-courriers les rend un peu moins intéressant que les court/moyen-courrier car, les rotations s’enchaînant, ils sont plus représentatifs déjà d’une grosse majorité du trafic mais aussi de l’enchaînement des procédures à bord, etc…

Pret au décollage
Aligné sur la piste, prêt au décollage… Il s’agit là des temps forts des vols de familiarisation. Même quand rentrer dans un cockpit était possible, il restait assez rare de pouvoir faire l’atterrissage ou le décollage dans le poste.

Une rotation complète : 4 vols de familiarisation

Grâce à un contact chez Baboo, compagnie suisse depuis rachetée par une autre compagnie (Darwin), l’occasion se présenta de suivre une rotation complète de vols moyen/court-courriers. Après différentes options, celle retenue fut :

  • un vol d’acheminement de Marseille (MRS) vers Genève (GVA), base des opérations Baboo,
  • Un aller-retour Genève (GVA) – Athènes (ATH) pour commencer,
  • Un autre aller retour mais cette fois vers Nice (NCE).

Le réacheminement vers Marseille se faisait le lendemain.

En arrivant sur Genève, un petit tour des opérations permettait de découvrir un peu les arcanes de la compagnie. La compagnie m’était déjà sympathique[3] mais ces quatre vols me confirmèrent dans mon opinion.

Des vols très instructifs

Avec les vols de familiarisation, l’intérêt varie énormément en fonction de l’interaction avec l’équipage, des évènements en vol, etc.. Là, j’ai été chouchouté par un équipage sympa. Accessoirement aussi, une série de dysfonctionnement aller illustrer les difficultés auxquelles pouvaient devoir faire face un équipage.

Un premier problème

Le premier problème fut une alarme sur un capteur incendie de la soute qui ne fonctionnait pas correctement. Là, le côté intéressant résidait dans les multiples interactions :

  • interactions avec les opérations au sol pour faire patienter les passagers en attendant de savoir si l’avion pourrait ou non finalement partir,
  • interactions avec la maintenance pour savoir si le problème était soluble ou non, dans quels délais, quels contournements pouvaient être envisagés surtout que l’avion avait un créneau de décollage du à une régulation sur Athènes[4],
  • interactions entre pilotes pour savoir s’il fallait partir ou non, avec quelles limitations, quels risques, etc,
  • interactions avec les PNC car après plus d’une heure de retard, l’équipage s’attendait à accueillir des passagers un peu agacés d’où certaines options pour essayer de faire retomber cette pression…

Lorsque la panne fut traitée entraînant une bonne heure de retard sur l’horaire initial, le commandant de bord mit un point d’honneur à accueillir et s’excuser auprès des passagers dont la grise mine laissait présumer que l’humeur à bord serait morose, du moins au début. Une petite passe d’arme entre un passager suisse et le commandant de bord m’avait fait sourire. Grosso modo, ça donnait ça :

« – Passager  : La précision suisse n’est plus ce qu’elle était…
– Commandant de bord : nous sommes vraiment désolés, un petit problème technique sur un avion brésilien… »

Les gens ne sont pas très tolérants sur les retards[5] et oublient un peu trop souvent que l’équipage n’est pas forcément « coupable » de ces retards.

Deuxième problème, décidément utile ce vol de familiarisation

Le flanc d'un embraer 190 de Baboo
Le flanc de l’embraer 190 de Baboo et sa décoration sympa.

Le vol vers Athènes fut l’occasion de pas mal échanger… Et le deuxième évènement se produisit justement à l’atterrissage à Athènes. Une alarme s’alluma au moment de libérer la piste. L’équipage, une fois au parc, semblait un peu fébrile. L’alarme signifiait que le calculateur avait détecté des incohérence entre les positions des différentes commandes de l’avion au moment où il sortait de la piste. Les deux pilotes privilégiaient la piste d’une rafale. En effet, l’avion s’était posé avec une certaine composante de vent arrière. Elle aurait agi sur les commandes et une vraie panne était peu probable. Néanmoins, cette alarme ne permettait pas de décoller pour faire le vol retour… Du moins, si elle persistait…

Là, le cas intéressant fut, justement, cette partie recherche et résolution de panne. En effet, l’équipage sur un terrain où il ne dispose pas d’un soutien logistique ou technique. Tout s’est alors géré par téléphone entre Genève et Athènes ! L’équipage cabine, dans un soucis d’économie fit le ménage dans l’avion pour économiser l’intervention d’un prestataire… Ce fut aussi l’occasion de découvrir qu’un Embraer 190 se reboote comme un ordinateur (enfin presque ;-)). Et surtout les mini-sticks se calibrent d’une manière similaire à un joystick sur ordinateur. Cela paraît un peu surprenant sur le coup mais bien pratique finalement. Bref, après plusieurs opérations, l’alarme s’éteignit nous épargnant une nuit imprévue en Grèce. Là, aussi l’embarquement des passagers avec une bonne heure et demie de retard (soit quasiment 3h de retard sur l’horaire prévu) ne se fit pas que dans la joie et la bonne humeur. Le vol retour vers Genève se passa sans encombre. Par contre, les retards accumulés impactaient à chaque fois la branche suivante et pesaient aussi sur l’équipage..

Jamais 2 sans 3, sympa le vol de familiarisation !

La documentation aéronautique en 2010 était rarement électronique mais Baboo était précurseur.
La première fois que j’ai vu une documentation électronique en « opération » même si la doc papier était dans le coin. Intéressant de voir comment cette compagnie était finalement en avance en 2010.

Le dernier évènement se produisit lors du retour de Nice alors que l’avion était en approche finale sur Genève. Des petits malins utilisèrent des lasers pour tenter d’éblouir les pilotes. Impressionnant de voir la portée de ces gadgets et l’éblouissement que ça provoque même si l’avion se posa sans encombre. Le signalement du problème auprès de la tour et surtout de la police suisse achevèrent une journée bien remplie et surtout plus longue que prévue. Si la fatigue se faisait sentir, elle avait le mérite de rappeler ce qu’est celle d’un équipage qui enchaîne plusieurs rotations pendant lesquelles peuvent se produire incidents, retards et autres déconvenues. En gros, cette fatigue nous invite à la clémence face à un équipage « à la ramasse » sur une fréquence.

  1. [1] Depuis le 11 septembre 2001, il faut rappeler que ces visites ne sont mêmes plus autorisées en théorie même si, en pratique, ça reste possible occasionnellement…
  2. [2]Il fallait donc prévoir un retour par un vol régulier ce qui poussait à faire de ces vols, une branche vers les vacances.
  3. [3] Un aller-retour personnel sur cette compagnie m’avait fait découvrir une compagnie très agréable avec des avions confortables, un minimum spacieux et un service irréprochable pour une compagnie qui se voulait plutôt « low-cost ». Ensuite, les échanges air-sol avec cette compagnie étaient toujours cordiaux ce qui n’est pas forcément pas le cas de toute les compagnies -même si c’est plus un problème de pilote que de compagnie à proprement parler-.
  4. [4]Malgré les bonnes volontés de chacun, il ne fut pas possible au vol de partir dans le créneau alloué. Le vol dut refaire une demande pour obtenir un nouveau créneau qu’il faillit ne pas pouvoir respecter.
  5. [5]Sauf les leurs… Il est sidérants de voir certains passagers déjà appelés plusieurs fois arriver tranquillement, comme si de rien n’était.