Appuyer sur la tête d’un avion

En lisant une tentative de vulgarisation sur ce fameux métier de contrôleur aérien, un compte twitter évoquait l’expression « appuyer sur la tête » et, effectivement, cela mérite une explication…

Trajectoires idéales

Les contrôleurs aériens et les pilotes coopèrent mais ont parfois des objectifs totalement opposés. Cela se retrouve souvent sur les trajectoires d’arrivées. Le pilote va souhaiter rester le plus haut possible pour ensuite descendre avec un vitesse modérée. Tout est calculé automatiquement par le FMS (le calculateur de l’avion) avec un Top Of Descent (TOD). Côté contrôle aérien, l’avion doit être le plus bas possible, le plus tôt possible et, bien sur, avec une vitesse réduite. Autant dire, l’opposé de ce que veut le pilote.

Les raisons de ces idéaux opposés

Le pilote vise une optimisation de sa trajectoire ce qui implique : une consommation la plus réduite possible (vol haut et descente tardive) et une vitesse modérée en descente tout en respectant des contraintes commerciales (heure d’arrivée). Pour lui, voler bas en palier s’avère juste être un gaspillage car cela signifie surconsommation et perte de temps.

Le contrôleur aérien, lui, gère souvent de multiples arrivées qui doivent être séquencées. Séquencer, c’est créer une file d’avions pour les amener jusqu’à la piste. Cette mission rencontre un écueil important : les disparités de performances des avions…

Pour illustrer rapidement le propos, un avion à turbopropulseur comme un ATR va souvent descendre avec une vitesse entre 235 et 245 kts. Son équivalent chez Saab (Saab 2000) pourra, lui, pousser jusqu’à 270 kts. Un réacteur comme un Airbus A320 pourra afficher jusqu’à 340 kts et un avion d’affaire encore plus.

Comme indiqué ci-dessus, les disparités peuvent donc être énormes et complexifient énormément la tâche du contrôleur aérien. La seule solution réside dans une descente anticipée pour amener les avions dans une altitude où les performances seront plus homogènes. Ainsi, en dessous du niveau 100 (10 000ft), les avions ne sont pas censés voler à plus de 250kts (460 km/h) ce qui limite fortement l’hétérogénéité possible.

Appuyer sur la tête - illustration des trajectoires
illustration des différentes trajectoires et de leurs conséquences possibles comme rentrer dans un espace dans lequel l’avion n’était pas prévu. La conséquence directe, c’est justement de devoir « appuyer sur la tête » d’un avion.

Et donc, pourquoi « lui appuyer sur la tête » ?

Comme indiqué plus haut, le contrôleur va souvent donner la descente à un avion bien avant son fameux TOD. L’équipage va régulièrement adapter sa stratégie pour optimiser tout en prenant en compte l’instruction de descendre. La méthode la plus évidente consiste à descendre très lentement [1] ! En descendant très doucement, l’avion risque de croiser de près d’autres avions voire de rentrer dans des espaces aériens dans lesquels il n’était pas prévu qu’il pénètre. A ce moment, un contrôleur va souvent dire quelque chose du genre :

Celui là, il ne descend pas, je vais lui appuyer sur la tête !

Concrètement, ça revient à demander à l’équipage d’augmenter son taux de descente. S’il persiste à prendre un taux jugé trop faible [/ref] Passer de 400 à 800 ft/mn par exemple[/ref], le contrôle aérien peut lui imposer un taux de descente.

Évidemment, ce genre de demande ne satisfaisant pas forcément les pilotes, cela peut donner lieu à des discussions sur la fréquence. Mais cela reste, finalement, plutôt marginal.

  1. [1] 300 à 500 ft par minute contre 2000 à 3000 pour une descente « normale »

5 réflexions sur « Appuyer sur la tête d’un avion »

  1. Bon article!
    Puis je suggérer un article sur le séquencement en descente? avec la question des Mach/IAS &Co?

  2. Jamais aimé cette expression… Ca fait brutal, je trouve. Moi je « force la descente », ou je « débute la descente ». Un bémol sur l’article : le contrôleur en route n’est pas obsédé par le fait de descendre et réduire tous les trafics. C’est juste un outil à utiliser en cas de besoin pour bâtir une séquence. Des trafics correctement espacés en entrée de secteur et aux performances compatibles descendront à leur TOD.

    • L’expression n’est effectivement pas très subtile ;). Je ne connais pas beaucoup d’avions qui descendent à leur TOD dans notre FIR sauf la nuit. Des contraintes de niveaux fortes existent un peu partout et il est parfois difficile d’y déroger, parfois, même en nuit. Je ne parlerais pas d’obsession mais il vaut mieux ne pas oublier.

      Quant à la vitesse, c’est clairement plus une obsession d’approcheur même si c’est communicatif lorsqu’il nous appelle pour réduire et faire descendre un avion ce qui nous vaut un bon vieux « vous voulez qu’on descende ou qu’on réduise ? » de la part du pilote (et même si en insistant, il fait les deux 😎 )

      ++

      Chak!

      • Je trouve justement (propos de vieux contrôleur sans doute) que les jeunes générations sont de plus en plus obsédées par la vitesse… Avec des effets parfois pervers, comme celui de réductions trop fortes qui ont pour conséquence de trop faire baisser la pression au IAF et d’obliger l’approche à augmenter certaines vitesses pour récupérer une pression correcte à la piste. J’essaie de faire passer le message : « Quand ça rattrape pas en vitesse sol, touche à rien! »

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