Un archaïsme : le strip et le stylo (1ère partie)

Tout travailleur a besoin d’outils pour mener à bien son travail et le contrôle aérien n’échappe pas à la règle. Par contre, il existe un léger paradoxe en contrôle aérien : la technologie de pointe cottoie des techniques archaïques. Il y a une raison simple à ça: l’obligation de résultat… Le contrôle aérien n’autorise pas l’essai, chaque action menée doit être un succès sous peine de conséquences graves… Aussi les technologies utilisées doivent-elles être éprouvées, sures et performantes.

Le strip et le stylo, une mise à jour sous forme de préambule…

Cet article sur le strip fait partie des articles fondateurs de ce blog. Si les informations restent valides, il convient de préciser qu’à cette date (06/03/2024) la plupart des centres en route sont passés au « stripless ». Le centre d’Athis Mons basculera cet hiver. Les strips ne seront plus en service que dans les approches.

Une introduction au strip

Scan d'un strip en route.

Le strip [1] est certainement l’illustration la plus flagrante des archaïsmes [2]. Il consiste en une bande de papier contenant toutes les informations utiles sur un vol.

Le strip qui nous servira d’illustration est un strip « en route » et donc utilisé dans un CRNA.. Les strips utilisés par les tours sont légèrement différents mais nous en reparlerons plus loin.

Nous allons maintenant nous attacher à décortiquer les informations contenues dans ce strip.

La case informations générales (la partie gauche du strip)

Scan d'un strip en route : la case informations générales

Cette case comprend toutes les informations générales. Concrètement, les informations qui vont peu évoluer au cours de la progression du vol de l’avion.

L’indicatif (callsign en Anglais)

Dans notre illustration, il s’agit de DLH4157. En fait, il s’agit du nom que nous allons utiliser pour appeler l’avion. DLH devrait se dire Delta Lima Hotel mais comme indiqué sous l’indicatif, cette compagnie possède un code d’appel spécifique: lufthansa! Bref, pour appeler cet avion ou lorsqu’il appellera, son nom sera « LUFTHANSA 4 1 5 7 ».

De manière générale, nombre de compagnies possèdent un code d’appel spécifique. Ces derniers sont mentionnés aussi souvent que possible car les changements fréquents rendent difficile toute tentative de les retenir par cœur. S’il n’y a aucun code d’appel spécifique, on utilise une épellation avec l’alphabet international.

Cette méthode est utilisée avec les compagnies commerciales… Les particuliers utilisent l’indicatif d’appel comme par exemple F-GORY… Dans ce cas l’indicatif d’appel sera Foxtrot Golf Oscar Roméo Yankee pour la version « longue » sachant qu’on peut, s’il n’y pas de risque de confusion, utiliser une version « courte » qui est Foxtrot Roméo Yankee (F-RY).

Le type d’appareil et la vitesse associée

Toujours dans notre illustration nous lisons, sous « lufthansa », la mention B733 et 370 juste à côté.

B733 désigne l’appareil utilisé, en l’occurrence, un Boeing 737 – 300. Il s’agit d’un code international spécifié par l’O.A.C.I. qui permet de normaliser les appellations et ainsi éviter les confusions d’un pays à l’autre.

370 indique la vitesse sol associée au modèle d’avion… Il s’agit d’une approximation mais qui permet après une petite analyse de signaler le danger que constitue un appareil lent devant un appareil rapide.

La Provenance et la destination

A côté du 370 explicité ci dessus, nous voyons deux codages à base de lettres: LFLL et EDDF. Il s’agit en fait de la provenance et de la destination. LFLL correspond à Lyon Saint Exupéry, anciennement Lyon Satolas. Quant à EDDF, il s’agit de Francfort.

Il s’agit d’une codification spécifiée par l’OACI qui permet de désigner de manière unique les terrains dans le monde. Le principe est assez simple: la première lettre issue d’un découpage arbitraire désigne une portion du monde (« L » regroupe par exemple la France, l’Italie, L’Espagne, etc…). La deuxième spécifie un pays avec dans notre exemple F = France et D = Allemagne. Ce qui implique que tout terrain commençant par LF est français et ED est allemand… Les deux autres lettres sont plus difficiles à cerner mais certaines sont assez evocatrices pour être retenues comme par exemple LFMN qui est dans la région contenant la France (L), en France (F) et plus particulièrement dans la FIR Marseille (M) et plus particulièremant la ville de Nice (N).

L’équipement embarqué

Vous pouvez constater la présence d’une mention « ok8 » en dessous du type d’appareil. En fait il s’agit d’une courte ligne destinée à mentionner des équipements particuliers.Ces équipements sont au nombre de trois: équipement RNAV, équipement RVSM, équipement 8.33.

La RNAV est une norme de navigation qui permet de s’affranchir de certaines contraintes moyennant des équipements spécifiques.

Le RVSM est une norme d’espacement réduit rentrée en fonction en janvier 2002. Les mentions associées sont: okW (avion équipé – okW n’est pas écrit sur le strip), noW (l’avion n’est pas équipé ou l’équipage n’est pas formé), exW (cet appareil est exempté) et enfin inW (statut RVSM de l’avion n’est pas connu).

Le 8.33 est une norme utilisée pour les radiocommunications qui remplace les sauts de 25 kHz entre fréquences VHF par des sauts de 8.33 kHz. Cette norme nécessite des équipements spécifiques. A l’image du RVSM, on retrouve les mentions: ok8 (équipé), no8 (non équipé), ex8 (exempté) et in8 (statut inconnu).

Le code transpondeur

A droite de l’indicatif nous trouvons la mention qui correspond au code transpondeur

Pour faire simple en attendant d’aborder plus en détail le radar, nous pouvons dire que les radars utilisés en aviation civile se servent de dispositifs embarqués « coopératifs »: les transpondeurs. Ces transpondeurs émettent un code à 4 chiffres (en octal donc compris entre 0 et 7)

Le code mentionné sert au système de poursuite radar à identifier l’appareil. S’il apparaît sans < et > c’est que l’organisme précédent n’avait pas connaissance du code mentionné et qu’il faudra donc le donner (à l’organisme qui gère l’avion actuellement ou alors quand l’avion sera sur notre fréquence).

Un autre code écrit plus petit peut apparaître sous le code que vous voyez… Il désigne alors le code utilisé actuellement par l’appareil et il faudra alors, au premier contact donner le nouveau code (4016) pour qu’il soit visualisé correctement.

Infos diverses

Il existe encore quelques informations dans cette case… En vrac, nous avons:

– Le numéro du plan de vol (numéro CAUTRA) à savoir 4583. Il s’agit du numéro de référence utilisé à l’échelle nationale par le système de gestion et de traitement des plans de vols.

– L’heure d’impression du strip (13h23 marqué 1323) qui permet des fois de s’y retrouver lorsqu’un vol fait l’objet de modifications successives, un strip étant imprimé à chaque modification.

– La partie remarque qui comprend ici MOLUS280 ce qui signifie que l’appareil demande le niveau 280 à MOLUS. Nous pourrions y trouver par exemple EVASAN dans le cas d’un vol d’évacuation sanitaire ce qui permet de rappeler la priorité d’un tel vol.

  1. [1]Son nom vient directement de sa forme allongée faisant penser à une bandelette (sa traduction en Anglais).
  2. [2]Il ne faudrait pas confondre archaïque et dangereux. En effet, le strip reste un support largement utilisé de par le monde sans que son utilité ne soit remise en cause. Néanmoins, avec l’évolution des moyens informatiques, il semble dommage de ne pas exploiter les informations écrites sur le strip. Il faut comprendre aussi que le contrôleur perd une partie de son temps à transmettre ces informations.