Le crash de l’A320 de GermanWings rappelle que le contrôle aérien peut être aux premières loges lors d’un accident et qu’il s’avère essentiel pour alerter les secours. Revenons brièvement sur quelques points tout en laissant les « experts aéronautiques » supputer dans les différentes « éditions spéciales »…
Crash du German Wings : « Le contrôle aérien a donné l’alerte »
Donner l’alerte lors d’un crash, une obligation pou le contrôle aérien
Le contrôle donne toujours l’alerte dans un crash comme celui-ci… Concrètement, les « journalistes » parlent du fait que les pilotes n’ont pas annoncé de situation de détresse que ce soit par la radio ou par un code transpondeur spécifique. Le transpondeur est un boitier à bord de l’avion qui émet un code à 4 chiffes en octal (0 à 7) ainsi que d’autres informations[1]. Le code spécifique à une situation d’urgence est le code 7700[2].
Le déroulement des faits
Concrètement, dans le cas du vol 4U9525, les contrôleurs ont constaté la descente sans autorisation préalable, dégagé certainement l’espace aérien en écartant les avions en dessous faute d’avoir plus d’informations jusqu’au moment où l’avion à fini par disparaître vers 6000 ft, vraisemblablement le plancher de la détection radar dans cette zone. Ils n’ont pas réussi à établir une communication une fois la descente commencée : nous parlons alors de « perte radio » .
La « perte radar » à 6000 ft laisse forcément présager le pire et le contrôle aérien va déclencher une phase de détresse (DETRESFA dans le jargon) pour lancer les recherches. Dans les faits, une « perte radio et radar » implique le déclenchement de cette phase dans les 5 minutes maximum… Vous comprendrez que la présomption de crash est très forte dans ce cas. Il existe d’autres cas où les présomptions de crash sont moindres et donc, où les délais de déclenchement sont plus longs voire précédés de deux autres phases, une d’incertitude (INCERFA) et une d’alerte (ALERFA).
« Les pilotes n’ont pas fait d’appel de détresse »
Beaucoup cristallisent autour de ce point sauf que depuis quelques années les formations aux situations inhabituelles invitent les contrôleurs aériens à être patients car l’item « prévenir le contrôle aérien et afficher 7700 » est loin d’être en tête de la checklist du pilote lors d’une situation d’urgence.
Il faut rappeler qu’en situation de détresse, les pilotes doivent tenter de gérer l’avion (trajectoire et altitude) dans un environnement dégradé (perte de manœuvrabilité, fumées dans le cockpit, informations erronées, alarmes sonores), le tout en tentant de résoudre la panne (ou de tenter de trouver d’où vient le problème). Avertir quelqu’un qui ne lui sera d’aucune aide (sauf pour dégager la voie ce que le contrôleur aérien fera par défaut) ne lui apporte pas grand chose. Là, où le contrôleur aérien redeviendra utile, ce sera lorsque les pilotes maitriseront, tant bien que mal, la situation et qu’ils auront besoin d’aller se poser sur le terrain le plus proche.
Lors du crash de l’AF447, il n’y avait pas eu, non plus, d’appel de détresse même si la chute avait été beaucoup plus courte.
Pressurisation / Dépressurisation / Descente d’urgence
Nous entendons beaucoup parler de dépressurisation et/ou de descente d’urgence…
Qu’est ce que la pressurisation ?
Un avion vole la plupart du temps (en croisière) entre 30 000 ft et 40 000 ft (court et moyen courrier) voire un peu plus haut (les longs courriers en fin de vol). Or à ces altitudes, il fait souvent très froid (températures inférieures à -50°C) et surtout la faible pression rend l’air irrespirable (l’apport d’oxygène est insuffisant). Pour compenser, tous les avions évoluant à ces altitudes sont dits « pressurisés » : l’air y est donc chauffé mais aussi comprimé pour retrouver une atmosphère respirable. Pour faire une analogie, la pression est similaire à celle que vous trouveriez en montagne.
La dépressurisation, un danger réel
Il peut arriver qu’une fuite se produise et nous parlons alors de dépressurisation. Celle-ci peut être lente comme avec un joint de porte défectueux ou rapide et brutale si, par exemple, le pare-brise du cockpit éclate. Dans ce deuxième cas, le terme utilisé sera « dépressurisation explosive« . Si la première peut déjà amener un avion à descendre relativement bas [3] voire à se dérouter[4], la deuxième constitue une situation de détresse puisque, de manière quasi instantanée, l’atmosphère qui régnait dans l’appareil devient irrespirable autant pour l’équipage que pour les passagers…
Les pilotes disposent d’un masque qu’ils doivent enfiler pour ensuite faire plonger[5] l’avion vers une altitude plus adaptée tandis que les passagers verront des petits masques tomber du plafond[6]. Le caractère brutal peut entraîner la formation d’un brouillard dans la cabine complexifiant encore la tâche de l’équipage, équipage dont les tympans peuvent également avoir été atteints ce qui ne simplifiera pas leur travail non plus.
Une conclusion temporaire
Pour conclure, si vous cherchez des informations plutôt factuelles, il vaut mieux vous passer des médias classiques et de vous tourner vers quelques sites internet bien pratiques et pas forcément enclins à faire de l’audimat. Voici quelques liens qui ne vous exonèreront pas de devoir attendre la fin de l’enquête pour espérer connaître « la vérité » :
- Le site du Bureau d’Enquêtes & d’Analyses où vous pourrez trouver les rapports sur les catastrophes[7],
- Le site d’Eurocontrol sur les performances des avions ,
- Le site flightradar24 qui permet un suivi de certains avions[8],
- Le site AvHerald qui recense les incidents, accidents et crash tout en restant très factuel mais en anglais,
- Le site du NTSB, l’équivalent américain du BEA,
- Le site de la Flight Safety Foundation qui oeuvre à l’amélioration de la sécurité dans l’aérien.
- [1]l’altitude pour la plupart et encore plus pour les nouvelles générations d’appareil↩
- [2] Nous parlons d’un soixante dix sept zéro zéro ou d’une emergency (les anglicismes sont très communs dans notre travail).↩
- [3]dans le cas où le relief le permet, il risque de descendre jusqu’à 10 000 ft)↩
- [4]se dérouter signifie que l’avion va finalement se poser ailleurs que la destination initialement prévue.↩
- [5]Dans les chiffres évoqués lors de nos formations, nous parlons de 6 000 à 10 000 ft/min même si le taux de descente va dépendre de l’altitude en croisière.↩
- [6]A la différence des pilotes, l’oxygène des masques en cabine résulte d’une réaction chimique. Il n’y a donc pas de bouteille d’oxygène.↩
- [7]Celles intervenues en France ou concernant un avion immatriculé en France ou encore, un avion construit en France.↩
- [8]Les avions qui sont équipés de l’ADS-B ou du mode S et qui se trouvent dans la zone de couverture.↩