Le « cunimb » est le petit nom donné au cumulonimbus dans le milieu aéronautique, un nuage pouvant s’avérer extrêmement dangereux pour l’aviation mais aussi pour toute personne ou chose au sol puisqu’il s’agit, ni plus, ni moins, du nom du nuage responsable des orages. Ce nuage parfois réduit aux deux lettres CB de son code météo impactant les avions, il influence forcément le travail des contrôleurs aériens.
Le cunimb (CB)
Pour un cour météo complet, je vous invite à faire une recherche sur internet ou à aller sur Wikipedia. Sinon, pour faire simple, le cunimb résulte de l’évolution d’un cumulus (un de ces nuages de « coton » si caractéristique). Son développement vertical brutal s’explique soit par des conditions météorologiques particulières [1] soit par un front qui progresse.
Des mouvements verticaux très violents confèrent donc au cumulus initial une forme de tour (on parle de tower cumulus ou TCU) qui monte assez rapidement[2] pour, parfois, atteindre la tropopause[3], c’est alors qu’apparaît « l’enclume », la partie haute qui chapeaute le cunimb.
Les dangers du cunimb pour l’aviation
Le cunimb (CB) s’avère dangereux pour les aéronefs de diverses manières car il concentre énormément de phénomènes redoutables:
L’activité électrique
Une activité électrique intense qui, même sur des appareils protégés par des cages de Faraday peut détruire les antennes, vaporiser le métal aux points d’impact voire atteindre l’électronique de l’avion[4]…
Les mouvements de masse d’air
Des mouvements de masse d’air très violents soit vers le bas à la périphérie du nuage soit vers le haut, au centre du nuage. Ces ascendances peuvent mettre à mal n’importe quel appareil même parmi les plus gros. Les rafales « descendantes » peuvent générer un cisaillement de vent[5] redoutablement dangereux pour des avions sur le point de se poser… Ces mouvements génèrent de fortes turbulences dans certaines parties du CB : la partie haute et les limites extérieures par exemple.
Différents types de précipitations
Le cunimb regorge aussi de précipitations potentiellement dangereuses comme la pluie surfondue qui se transforme en glace à l’impact et donc capable de provoquer un givrage (très) sévère ou encore la grêle capable d’endommager les fuselages et de briser les pare-brise.
Vous devriez, à la lecture de ces quelques phénomènes associés au cunimb, ne pas vouloir trop vous en approcher… Cela tombe bien puisque ça rejoint la vision des pilotes. Cela nous ramène à notre sujet initial : l’impact sur le contrôle aérien.
Le cunimb et le contrôle aérien
Un évitement impératif par les pilotes
Comprendre que les pilotes vont faire leur maximum pour éviter un cunimb est aisé et laisse entrevoir les difficultés que cela va représenter pour les contrôleurs aériens : avions en dehors des routes, volonté des pilotes de voler à des altitudes inhabituelles,souhait de retarder au maximum les descentes ou de monter le plus rapidement possible vers le niveau de croisière…
Un sentiment d’improvisation permanente pour le contrôleur aérien
Si un pilote gère tant bien que mal sa machine dans des conditions potentiellement difficiles (et dangereuses), la complexité pour le contrôleur s’avère énorme car il se retrouve confronté à une multiplicité de ces évitements… Bref, des trajectoires de départ viennent interférer avec des trajectoires d’arrivée, des routes à sens unique n’en ont plus que le nom, etc… Ce gigantesque bazar implique un problème fondamental : le contrôleur aérien ne peut plus appliquer les routines qu’il utilise tous les jours pour simplifier la gestion de la situation et se retrouve donc à « improviser » et cette improvisation dure dans le temps puisque, assez souvent, une masse orageuse se déplace ce qui signifie qu’une astuce qui fonctionne initialement va rapidement devenir caduque.
Une charge mentale sous-estimée par beaucoup
Cette improvisation induit également une charge mentale bien supérieure à une situation classique nécessitant de réduire la charge de travail et donc le nombre d’avions[6]mais aussi une fatigue accrue qui doit être surveillée de près et pousser les contrôleurs à « tourner » [7].
N’oublions pas l’aspect technique
Une quasi absence d’outil
L’un des problèmes du contrôleur aérien français, c’est qu’il ne dispose pas d’une visualisation exploitable pour la partie météo.. Cette option envisagée sur la prochaine génération de système comme 4-Flight soulève des problèmes de responsabilités. L’absence actuelle d’un tel système fait qu’un contrôleur aérien n’a qu’une vision assez grossière de la situation, une sorte d’instantané qui ne suffit pas à prévoir les évolutions dans les évitements. Concrètement, si une série d’avions a évité une masse orageuse par la droite, le contrôleur aura tendance à envisager, pour l’avion suivant, un virage à droite sauf que si la masse orageuse a évolué, il partira peut être finalement à… Gauche !
Un problème juridique de toute façon
Pour contourner les objections sur les responsabilités, il suffirait peut être de considérer cette aide pour ce qu’elle est : une aide pour le contrôleur aérien mais qui ne peut être comparée à un radar météo embarqué car, à l’aide de ces derniers, par exemple, en jouant sur le « site » [8], les pilotes peuvent connaître l’altitude de la base ou du sommet des cunimbs. La visualisation côté contrôle ne pourra pas avoir une telle précision même si elle s’avérerait déjà suffisante pour anticiper les évitements des avions. Il ne reste donc plus qu’à convaincre le législateur de ne pas rajouter une responsabilité de plus sur les épaules des contrôleurs ce qui semble, a priori, difficile dans une société qui a tendance à se judiciariser de plus en plus.
- [1] Forte chaleur, faible vent, conditions d’humidité↩
- [2]Si vous observez les nuages en été, vous verrez de temps en temps ces « cheminées » qui grimpent sans pour autant systématiquement se transformer en nuages d’orage car, souvent, elles finissent par se désagréger pendant qu’une autre se forme ailleurs.↩
- [3]Il s’agit d’une des limites de couches de l’atmosphère terrestre (celle séparant la troposphère de la stratosphère).
Jusqu’à la tropopause, les températures diminuent avec l’altitude. Une masse d’air chaud peut monter très haut si elle se refroidit moins vite que l’air autour. C’est l’une des raisons du développement des cunimb. Par contre, à partir de la tropopause, la température n’évolue plus et c’est donc là que se termine la progression verticale du cunimb. Là, se forme la fameuse enclume générée par l’inertie des éléments de la masse d’air qui montait jusque là au centre du cunimb. Il existe d’autres limites un peu plus haut mais elle concernent plus les vols spatiaux que les avions commerciaux tout du moins tant que les projets d’hypersoniques ne voient pas le jour.↩
- [4]Il y a quelques années de ça, un avion à la verticale de Lyon s’est retrouvé avec pour seuls instruments, les instruments analogiques de secours car le reste avait pris la foudre malgré les « protections ». Situation pour le moins inconfortable pour l’équipage comme pour le contrôle aérien…↩
- [5]Un cisaillement est une inversion du sens du vent redoutable à proximité du sol et à basse vitesse. Des simulations ont ainsi démontré que, même des pilotes expérimentés, ne pouvaient, souvent, rien faire pour éviter le crash dans ces circonstances. Ces simulations découlaient d’un crash réel et ses conclusions ont poussé au développement de dispositifs capables de détecter les risques de cisaillement.↩
- [6]Il est prévu par défaut de pouvoir limiter le trafic dans le cas d’orages. Au CRNA Sud-Est, la réduction de capacité peut atteindre 30% dans les pires cas. Un Responsable de Salle pourrait aller au delà, si la situation orageuse s’avérait exceptionnelle et si la sécurité était engagée.↩
- [7]Il existe plusieurs tâches que peuvent faire les contrôleurs aériens pendant leur prise de service. Les alterner plus rapidement et modifier éventuellement les horaires de pause peuvent permettre de mieux gérer la fatigue engendrée par ces situations exceptionnelles mais pas rares.↩
- [8]Pour un radar, il est souvent question de gisement et de site. Le gisement correspond à l’axe horizontal sur lequel émet le radar (l’axe horizontal de son antenne en somme) tandis que le site correspond à l’angle du plan dans lequel il émet…
En clair, jouer sur le « site » permet de voir plus haut ou plus bas.↩