Le métier engendre un stress certain mais le problème découle souvent des incidents et des accidents. Pour tenter de limiter les conséquences du stress engendré par ces évènements, de nombreux pays ont mis en place le CISM pour Critical Incident Stress Management. Voyons ensemble ce qui se cache derrière cet acronyme et cet anglicisme.
Le stress
Commençons par une petite citation:
« Le stress n’est pas une maladie mais une des grandes fonctions de l’organisme, nécessaire pour s’adapter aux contraintes de l’environnement. Mais de même qu’un médicament utile peut devenir nuisible au–delà d’une certaine dose, des réactions de stress, trop intenses, trop souvent répétées, trop prolongées et mal gérées peuvent retentir sur la santé. Depuis une vingtaine d’années, les études mettent en évidence de possibles relations entre stress et maladies. »
Le Stress, Drs. André,Lelord, Légeron 2001.
Malgré l’image péjorative qu’il véhicule souvent, le stress reste donc un mécanisme normal permettant à l’être humain de s’adapter à des situations diverses. Pour simplifier à l’extrême, deux formes peuvent être dangereuses: un stress qui se prolonge trop ou un autre potentiellement court mais trop intense.
Dans le cas du contrôle aérien, nous aurons le stress ordinaire. Il peut résulter d’une quantité de trafic importante ou d’une situation compliquée (orages par exemple). Il y a peu de chance que ce stress, somme toute modéré, se prolonge car la fatigue induite amènera les contrôleurs aériens en place à se faire relever. Par contre, il peut y avoir un stress assez intense dans diverses situations comme un avion en détresse, une panne technique majeure, une situation de trafic inextricable ou encore une situation avec une météo particulièrement mauvaise. Dans ces cas, les contrôleurs aériens peuvent franchir une ligne rouge en matière de stress…
Accessoirement, les contrôleurs aériens restent des humains et doivent faire face aux mêmes tracas que tout le monde : divorce, maladie, perte d’un proche… Ces épreuves contribuent également à accroître l’exposition au stress.
CISM ou Critical Incident Stress Management
Comme son nom l’indique, le dispositif vise à gérer le stress après un incident critique. Initialement, l’idée consiste à rester sur quelque chose de très orienté contrôle aérien et incident (donc différent d’un accident). Voici une définition possible de l’incident critique extraite d’un document de la FATCOA de 2007:
« Un incident critique est une situation à laquelle est confronté un contrôleur provoquant chez lui (ou l’amenant à ressentir) une réaction émotionnelle inhabituellement forte. Cette réaction est susceptible de l’empêcher d’assumer ses fonctions au moment même de l’incident, ou plus tard. »
Quant aux conséquences éventuelles, le même document évoque:
« Un incident critique risque fortement de déstabiliser la performance du contrôleur, ce qui peut l’amener à écourter sa carrière ou encore provoquer un comportement inadéquat de sa part et donc dangereux pour la sécurité aérienne. D’un point de vue plus personnel, divers symptômes peuvent affecter un contrôleur aérien ayant vécu un incident critique, parmi lesquels : Fatigue excessive et insomnie, « flash-back » troublants de l’incident, cauchemars, repli sur soi, colère, sentiment d’impatience et d’irritabilité, besoin de reconnaissance, obsession de pensées négatives, perte d’estime de soi et de confiance. »
La première option pour gérer ces situations de stress a été de faire appel aux professionnels de la santé mentale via des conventions. Le centre en route d’Aix-en-Provence dispose ainsi de nombreuses années d’une convention avec la CUMP (Cellule d’Urgence Médico-Psychologique). Cette solution s’avère très utile en cas d’accident puisque ces cellules sont régulièrement déployées lors d’évènements majeurs (attentat, catastrophe, etc.).
Par contre, sur des incidents, les expériences montraient vite leurs limites. Il est ainsi difficile pour les personnes concernées d’avoir conscience de leurs symptômes et donc de consulter. Diverses expériences ont amené à envisager l’utilisation de pairs formés pour servir d’interlocuteurs de première ligne.
Un pair CISM
Si nous nous référons au Larousse, seul le pluriel « pairs » existe au sens où nous l’utilisons : Ceux qui occupent le même rang, qui sont égaux en dignité, en situation sociale. Dans les faits, un pair CISM est un contrôleur formé au soutien psychologique. Les avantages sont évidents :
- il peut intervenir rapidement
- il pratique le même métier que son interlocuteur
- et il dispose d’un bagage lui permettant de faire du « soutien psychologique«
A l’inverse, le pair n’est pas un professionnel de la santé mentale. Le vrai professionnel reste donc nécessaire dans certains cas.
Le système des pairs CISM a depuis des années fait ses preuves. La DFS (Allemagne) ou Skyguide (Suisse) disposent de pairs depuis de nombreuses années. Eurocontrol s’est penché également sur le sujet.
Un processus lent…
La France semble un peu à la traîne puisque ce dispositif est loin d’être en place partout. A titre de comparaison, en 2007, la DFS disposait d’au minimum deux pairs par tour de contrôle et cinq par centre de contrôle.
Mais des évolutions intéressantes…
Lors de la formation des pairs au centre en en route d’Aix, il a été décidé d’élargir le recrutement. Des ingénieurs électroniciens mais aussi des personnels administratifs ont donc été formés. De plus, le dispositif a été ouvert plus largement. Ainsi, il ne se limite plus aux seuls incidents. Quelqu’un rencontrant des difficultés personnelles, ou de formation pourrait donc faire appel à un pair voire si la situation l’exige, à un professionnel…
Un tournant semble donc avoir été franchi. Nous entendons maintenant parler de mémoires, de volonté d’autres centres de déployer un système de CISM similaire. Espérons que cette dynamique se poursuivra car le besoin est clairement là.
Quelques liens pour le CISM
La partie Human Performance qui référence le CISM parmi les items