Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous allons nous intéresser à la partie historique du projet E.E.E. en remontant aux racines. Et pour cela, nous allons remonter jusqu’aux années 80…
Ronald Reagan, créateur malgré lui
Le 3 août 1981, les contrôleurs aériens américains lancent une grève [1] pour une série de revendications. Ronald Reagan, président des Etats Unis, refuse de céder, limite les effets de la grève en faisant appel aux contrôleurs militaires [2][3] et invite les grévistes à reprendre le travail sous peine de sanctions (un licenciement en l’occurrence). Sans effet apparent, Reagan met en application sa menace en licenciant un peu plus de 11 000 contrôleurs aériens…
Au delà des procédés et des chiffres, la décision de Reagan se révèle intéressante. en effet, ce dernier lance alors son pays dans un vaste projet d’automatisation du contrôle…
L’automatisation, fausse solution ?
Alors que les Etats Unis se lancent dans cette recherche sur l’automatisation, un contrôleur aérien français propose une approche radicalement différent. Il souhaite analyser tous les mécanismes décisionnels des contrôleurs aériens pour permettre la création d’outils d’aide à la décision. Cette approche permet d’améliorer le fonctionnement global du système tout en gardant l’humain au centre de la boucle. Le projet expérimental qui en découle s’appellera ERATO pour En Route Air Traffic Organizer et il concernera les centres de contrôle en route.
ERATO, le démonstrateur technologique pré E.E.E.
En aéronautique, un démonstrateur technologique décrit un avion expérimental qui permet de valider (ou d’invalider) des choix technologiques. Comme son nom l’indique, sa finalité n’implique pas nécessairement une production de masse. Le Gruman X-29, rendu célèbre par sa flèche inversée constitue une illustration parfaite du concept.
ERATO doit être perçu comme un démonstrateur technologique. Des générations de contrôleurs entendirent parler de ce projet. Ce nom se retrouve donc associé à une notion de semi-échec puisqu’aucune concrétisation n’existe. Nous touchons là à la psychologie puisque, d’un point de vue opérationnel, le projet n’a pas été implémenté à ce jour mais cela ne signifie pas pour autant que certains enseignements issus de ces expérimentations n’ont pas déjà été prises en compte.
L’Europe, un moteur d’évolution
Il faut reconnaître à l’Europe[4] une capacité à faire avancer certaines choses. Ainsi, il a quelques années, la commission européenne a fait adopter le Ciel Unique européen (Single European Sky ou S.E.S. Le paquet législatif qui l’accompagne impose aux pays membres des objectifs à satisfaire dans les prochaines années. L’un de ceux ci, la mise en œuvre du Datalink, nécessite un environnement électronique.
E.E.E : La génèse
En 2004, la D.G.A.C. décide de lancer le projet E.E.E. (Environnement Électronique ERATO). La finalité se résume simplement : implémenter un environnement électronique et fournir des outils qui ont été expérimentés dans le cadre d’ERATO. Initialement, deux centres en route désignés comme « centres pilotes », Bordeaux ACC (LFBB) et Brest ACC (LFRR) devaient mettre E.E.E. en service opérationnel en 2012.
En 2008, des contrôleurs aériens volontaires testèrent un prototype… Et le résultat fut, dans un premier temps, un fiasco…
- [1]Selon certaines sources, cette grève était illégale.↩
- [2]La France, en 1973, fit, elle aussi, appel aux contrôleurs aériens militaires via le tristement célèbre plan « Clément Marot ». « Tristement » en effet, car pendant ce plan, un DC 9 d’Ibéria percutera un Coronado de Spantax mettant une terme définitif à ce palliatif aux grèves des contrôleurs aériens civils.↩
- [3]J’ai découvert récemment que ce plan existait toujours sous la dénomination de Pégase. De l’aveu même des militaires, il n’est pas question de l’utiliser mais alors, pourquoi l’avoir conservé ?↩
- [4] Il convient de ne pas faire d’angélisme! La volonté principale de l’Europe en légiférant reste de diminuer les coûts pour les compagnies aériennes (conséquence d’un lobbying intense). La libéralisation des services du contrôle s’avère être un objectif encore aujourd’hui malgré toute une série de déclarations. Il convient de rappeler que des évolutions coordonnées existaient déjà grâce à EuroControl bien avant que la commission ne s’intéresse au sujet.↩