Contrôler des « tagazous » n’est pas forcément toujours simple mais le « pire » reste le planeur ! Si voler dans ces superbes oiseaux s’avère être une expérience exceptionnelle, cela change en passant de l’autre côté du micro…
Le planeur
Comme dit en introduction, voler sur ces machines constitue une expérience inoubliable tant sur des vieux « bois et toiles » que sur des planeurs modernes « plastiques » [1]… L’idée même de ne voler que par la force des éléments colle à cette modernité « verte ». Pour une fois, il ne s’agit pas de « green washing ». En outre, le planeur constitue une bonne école du pilotage. Il s’avère économique alors que l’image populaire de l’aviation légère la cantonne à une activité pour « riches » ou « nantis ».
Cette activité se pratique autant en plaine qu’en montagne mais elle nécessite des conditions favorables plus communes en été même si le vol d’onde[2], par exemple, peut être pratiqué toute l’année si le vent le permet.
Green washing
Les Anglo-Saxons affectionnent ce terme pour désigner cette mode qui voudrait qu’une couche de peinture verte suffise à rendre quelque chose « écologique ». Le but ? Surfer sur la vague « écolo ». En fait, c’est un peu comme quand une compagnie aérienne communique sur l’économie carbone. Certes, cela apporte un plus en matière d’environnement. Cependant, souvent, la mesure vise à réduire la consommation de carburant et constitue avant tout une économie financière pour la compagnie. La réduction carbone n’est qu’un plus marketing, la fameuse « couche verte » qui plait tant en ce moment.
L’aspect contrôle aérien du « planeur »
Un planeur a certaines caractéristiques très spécifiques qui vont impacter le contrôleur aérien. Parmi celles-ci, nous trouvons :
- il évolue en VFR comme les « tagazous à moteur ». Il doit donc respecter les règles de vol à vue bien plus contraignantes que les IFR, régime de vol des avions commerciaux,
- ne disposant pas de moteur, il ne peut maintenir un « palier » (garder une altitude et une direction donnée) qu’exceptionnellement,
- son mode de propulsion lui impose souvent de tournoyer (ou de faire des sortes d’aller-retour) dans la zone où se trouvent les ascendances (ces courants d’air qui montent),
- il ne dispose pas de génératrice et bénéficie donc d’une autonomie électrique limitée par sa/ses batterie(s),
- chaque kilo compte et impacte ses performances ! Cela incite ceux qui volent dessus à limiter les équipements jugés inutiles comme les transpondeurs,
- les unités de mesure utilisées sont différentes de l’aviation « moteur » (mentionnées entre parenthèses ci-après). Les vélivoles utilisent des altitude en mètres (ft), des taux d’évolution en mètre par seconde (ft/min) et des vitesses en kilomètres par heure (kts). Ces différences nécessitent des conversions permanentes pour parler le même langage.
Pour gérer ces planeurs, deux options s’offrent au contrôle aérien. Il est possible de créer des zones réservées aux vélivoles ou les gérer au sein de la circulation aérienne générale.
Les zones réservées
Le principe de la zone réservée présente divers avantages et inconvénients. Le principal avantage réside dans la simplicité de la solution : le contrôle aérien gère la zone comme n’importe quelle autre zone (évitement et coordination si nécessaire) tout comme pour les pilotes qui n’ont qu’à se soucier d’en respecter les limites. Les planeurs peuvent même s’affranchir de l’emport de transpondeur puisqu’il n’y a aucune obligation ni de nécessité.
L’inconvénient, par contre, s’avère non négligeable puisque cette zone mobilise une part d’espace aérien au profit d’une seule catégorie d’usagers. Même si cette pratique est courante (militaires avec leurs zones ou classe A en région parisienne par exemple), il n’en demeure pas moins que cette pratique concerne rarement l’aviation légère qui est souvent vue comme un loisir, une activité non rentable.. Cette « appropriation » ne gêne que parce qu’elle entraîne des restrictions chez les autres : dans l’exemple ci-dessus, la zone de Buech coupe une route aérienne jusqu’au FL155 nécessitant de rerouter certains avions qui y transiteraient tandis que la zone de Drome limite les descentes à destination de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry.
La mixité avec les autres trafics
Un appareil au comportement atypique
Il s’agit de la gestion normale des planeurs (comme des autres avions) puisque rien n’interdit à un planeur de transiter dans des espaces aériens voire de se poser sur des terrains contrôlés. Coté contrôleur aérien, la nature du planeur fait que :
- donner un cap est hasardeux car rien ne dit que le planeur pourra le garder (comme un avion en VFR). En outre, même s’il conserve un cap, le planeur ne pourra pas nécessairement conserver son altitude,
- donner une altitude s’avère encore plus risqué, l’absence de moteur empêchant le planeur de maîtriser pleinement ses évolutions,
- jouer sur les taux de montée/descente est virtuellement impossible (à la rigueur, un peu en descente),
- avoir plusieurs planeurs dans la même ascendance peut provoquer le déclenchement d’alarmes du type « filet de sauvegarde » ce qui contribue à une « pollution » visuelle sur l’interface de contrôle[3].
Une solution finalement assez simple
Bref, pour le contrôleur aérien, le plus simple reste de considérer le planeur comme un « obstacle » qu’il faut faire éviter aux autres avions (IFR ou VFR) compte tenu de ses limitations.
Au delà du planeur, il se pose aussi la question des compétences du pilote[4] : s’il est habitué à fréquenter des espaces aériens contrôlés (EAC), il saura exprimer ses besoins sans encombrer la fréquence et répondre aux questions du contrôle rapidement (rappelons que pilote aura besoin de convertir certaines valeurs ou de les lire sur des systèmes secondaires comme des tablettes, smartphones ou GPS) tandis qu’un pilote moins rompu aux EAC n’aura pas la même rapidité/réactivité et accroîtra la difficulté de gestion de la situation.
Côté planeur, le pilote n’attend finalement pas grand chose du contrôle qui existe plus pour gérer les IFR qu’autre chose. En outre, le principe même d’espace aérien contrôlé induit, pour son oiseau, des obligations réglementaires supplémentaires comme l’emport de transpondeur…
En conclusion
Il faut rappeler que de nombreux planeurs parcourent les espaces aériens contrôlés ou non sans soucis. Il peut arriver que des incompréhensions, une méconnaissance des uns et des autres amènent à des échanges vifs ou à des refus de transit mais rien ne doit faire oublier que les contrôleurs aériens ne peuvent refuser à ces usagers les mêmes droits que les autres et qu’aucune « pompe » aussi grandiose soit-elle ne doit laisser croire à un pilote qu’il peut s’affranchir d’une clairance.
La formation revêt un caractère très important : elle-seule peut garantir des pilotes aguerris et des contrôleurs aériens au fait des besoins de ces usagers… Par contre, une formation ne se limite à l’étude de textes réglementaires et/ou de cartes, elle passe aussi par des échanges entre les acteurs de ces deux mondes !
Quelques liens utiles :
Le site "espace aérien" (FFVV) : http://www.ffvvespaceaerien.org L'espace retour d'expérience de la FFVV : http://rexea.ffvv.org
- [1]Comme souvent, l’appellation « plastique » n’est pas forcément correcte puisqu’il s’agit de matériaux composites (fibres et résines) semblables à ce qui existe dans le nautisme.↩
- [2]Lorsque le vent souffle fort, il se produit des sortes d’ondulations de la masse d’air. Les planeurs peuvent exploiter ce phénomène pour grimper en altitude.↩
- [3]Ce problème peut être résolu facilement, en éliminant les codes transpondeurs spécifiques aux planeurs des cas déclenchant ces alarmes.↩
- [4]Cette problématique existe aussi pour les pilotes privés « avion » qui fréquentent des espaces aériens chargés.↩