Le contrôle aérien se retrouve à la une des media essentiellement lors des grèves, de catastrophes ou encore pour évoquer les avantages éhontés des fonctionnaires qui rendent ce service. Néanmoins, il arrive d’entendre parler d’un organisme européen appelé Eurocontrol qui, comme son nom l’indique, a un rôle important dans le domaine du contrôle aérien.
L’aviation civile reste l’un des rares domaines à bénéficier d’une collaboration internationale depuis longtemps. Les accords de Chicago en 1944 permirent ainsi la fondation de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (O.A.C.I) ou, en Anglais, I.C.A.O (International Civil Aviation Organisation). Les règles découlant de ces accords régissent l’aviation civile un peu partout dans le monde. Cependant, chaque état dispose d’une certaine latitude pour les adapter aux besoins locaux.
L’OACI poussa à la création d’un organisme européen vers la fin des années cinquante alors que le transport aérien connaissait un grand bouleversement avec l’avènement de l’avion à réaction.
Le 13 décembre 1960, les délégués de plusieurs pays européens [1] signent à Bruxelles une convention « EUROCONTROL » relative à la sécurité de la navigation aérienne. La volonté affichée consiste à dépasser les rivalités nationales en créant un organisme supra-national en charge de la navigation aérienne.
L’agence EuroControl démarre réellement le 1er mars 1963 en remplaçant une entité créée pour assurer la transition. Cette agence ne réussira pas à s’imposer comme prestataire unique de services à la navigation aérienne. Elle sera victime des réticences des différents pays d’abandonner leur souveraineté sur leur espace supérieur. Cet échec relatif [2] ne doit pas gommer ce que l’agence aller nous apporter dans les années qui suivirent
Eurocontrol, quels apports ?
Pour faire simple, EuroControl a œuvré pour uniformiser les méthodes de travail, les systèmes de gestion du contrôle aérien, etc. En outre, l’agence se place à la pointe du progrès grâce à un centre d’expérimentations créé à Bretigny-sur-Orge (janvier 1967). Ainsi au cours de son existence l’agence participa :
- à la création du système de redevances qui permet aujourd’hui au système de s’auto-alimenter (novembre 1971). En effet, contrairement à d’autres services d’intérêt généraux, les services sont financés par les utilisateurs finaux des services (les compagnies aériennes) et non par l’impôt,
- à la création d’un centre de contrôle en route en espace supérieur : Maastricht UAC (Février 1972),
- à la création et à la gestion d’un organisme chargé de gérer et d’organiser les flux d’avions en Europe (CFMU) (octobre 1988),
- à la réorganisation des fréquences grâce au 8,33 (octobre 1999)
- à l’introduction d’une séparation verticale réduite en Europe (RVSM) (janvier 2002)
- et bien d’autres projets en cours ou abandonnés (EATCHIP, DataLink, etc).
Les redevances ? Gérées par Eurocontrol
Comme mentionné brièvement plus haut, Eurocontrol, en accord avec les états signataires a permis la mise en place d’un système de redevances payées par les avions contrôlés. Cette redevance se calcule en utilisant une savante équation prenant en compte différents paramètres : kilométrages, tonnages, etc. La taxe perçue par EuroControl est ensuite reversée aux états membres.
De cette manière, seuls ceux qui bénéficient du service paient pour celui-ci.
Un centre en route européen : Maastricht UAC (Upper Airspace Control)
La volonté initiale affichée de créer un organisme unique de gestion a échoué. Il n’en demeure pas moins que certains états créèrent un organisme commun sous la houlette d’Eurocontrol : Maastricht UAC. Cette entité contrôle la partie d’espace au dessus de la Belgique, de la Hollande et du Luxembourg au dessus du FL245[3]. L’Allemagne avait délégué la gestion d’une partie de son propre espace aérien.
Sécurité et Fluidité : Central Flow Management Unit
La CFMU (Central Flow Management Unit) constitue certainement le plus gros apport d’EuroControl à ce jour. Pour comprendre le problème, voici un exemple simple :
Un exemple concret
un avion décolle de Varsovie et vole en direction de Paris, sa destination. La météo sur place laisse présager de mauvaises conditions mais rien de rédhibitoire a priori. La météo se révèle, sur l’ouest de l’Europe, finalement catastrophique. Des chutes de neige abondantes imposent la fermeture de grands terrains comme Londres, Paris ou encore Munich pendant plusieurs heures. Notre vol arrive donc à Paris mais se retrouve avec de nombreux autres vols en attente pour pouvoir se poser. Certains avions se déroutent plus au sud en allant à Lyon, Genève, etc. Mais de nombreux appareils attendent l’amélioration annoncée. Même si le terrain réouvre il faudra des heures avant un retour à la normal même en laissant la priorité aux avions qui se posent (l’idée consiste à retarder les départs pour garantir la sécurité des avions déjà en l’air qui pourraient se retrouver à court de carburant).
Avant la création de CFMU par Eurocontrol
Avant la création de CFMU, l’avion assurant la liaison Varsovie-Paris de notre exemple serait parti comme prévu. Il serait venu encombrer l’espace aérien de l’ouest de l’Europe tout en augmentant les risques d’accident, les réserves d’essence n’étant pas inépuisables.
Et aujourd’hui…
Après la création de la CFMU, l’organisme central européen émet une « régulation » dès qu’il apprend la fermeture des terrains de destination. Cette régulation empêche de décoller les avions se rendant sur ces terrains en considérant qu’il est préférable pour eux d’attendre au sol plutôt qu’en l’air.
Là, l’exemple est extrême même s’il s’est déjà produit, mais la régulation peut se limiter à retarder de quelques minutes plusieurs vols pour éviter une éventuelle congestion. Considérez un terrain qui ne pourrait accueillir que 20 avions par heure. Différentes compagnie aériennes programment de nombreux vols à destination de ce terrain au point que 30 arrivées sont prévues en une heure… La CFMU va réguler le trafic en retardant 10 avions sur les 30. De cette façon, les 10 en question arrivent dans l’heure qui suit celle où il y aura les 20 premiers.
Ce système permet de faire face à de nombreux imprévus sans remettre en cause la sécurité:pannes, fermeture de terrains, excédent de vols, etc.
Congestion de la bande VHF : l’adoption du 8,33 kHz
Les échanges radio entre pilotes et contrôleurs aériens se font dans la bande dite VHF (Very High Frequency). Il existe un nombre limité de fréquences or les besoins sont énormes et surtout augmentent régulièrement. Devant le danger de saturation, une solution apparaît logique : diminuer l’espace entre deux fréquence. Auparavant, deux fréquences aéronautiques étaient espacées entre elles de 25 kHz. Par exemple, la fréquence d’urgence aéronautique est 121,500 MHz. La fréquence qui la suit immédiatement est 121,525 MHz avec un espacement de 25 kHz. En ayant des systèmes performants et fiables, l’espace entre fréquences est réduit à 8,33 kHz. De cette manière, entre 121,5 et 121,52 MHz, nous récupérons deux fréquences supplémentaires : 121,508 MHz et 121,517 MHz.
Cette solution technique permet de faire face aux besoins immédiats mais déjà, les fréquences manquent à nouveau.
Reduced Vertical Separation Minima : Plus près mais en sécurité
Un peu comme pour les fréquences plus haut, l’espace aérien vient à manquer dans certaines zones très congestionnées. Comme l’espace n’est pas extensible, le seul moyen pour accueillir plus d’avions consiste à réduire les distances entre eux.
Pendant longtemps, au dessus du continent européen, quand un avion dépassait l’altitude de 29000 pieds, les contrôleurs espaçait les avions de 2000 pieds alors qu’en dessous, un espacement de 1000 pieds suffisait. Aucune explication complexe à cela: en montant en altitude, la précision des altimètres se dégradent. Cela impliquait de prendre des marges de sécurité plus importantes.
Eurocontrol a permis de réduire ces espacements de 2000 pieds à 1000 pieds grâce à un ensemble d’équipements, de normes et de formation des équipages.
Pour en savoir plus, Eurocontrol dispose d‘un site qui traite de nombreux sujets généraux ou techniques.
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